Albert Carteron et l'affaire du Prado. le progrès 20 octobre 1958

Sensibilisé à la misère des Algériens de Lyon dès sa première mission en tant que prêtre dans le quartier de la Guillotière entre 1951 et 1955, Louis Magnin est impliqué dans l’affaire du Prado en 1958. En effet, il est arrêté pour avoir mis un local à la disposition d’Algériens soutenant les nationalistes détenus. 

Louis Magnin témoigne des conditions de vie des Algériens de Lyon, et de son implication dans l'affaire du Prado.

Biographie
Louis Magnin est né à Lyon, près de la place des Terreaux. Dès l’enfance, il entend parler avec mépris et hostilité du quartier de la place du Pont où il y avait une forte concentration d’Algériens. En 1951, devenu prêtre, il est envoyé pour sa première mission dans le quartier de la Guillotière et porte un regard de bienveillance et d’empathie sur les populations étrangères, à l’encontre de ce qui lui a été inculqué dans son enfance. Il développe des liens d’amitié forts avec Albert Carteron et Henri Le Masne qui lui font découvrir les conditions de vie misérables des Algériens. Contrairement à Carteron qui était le lien entre l’Eglise et la communauté algérienne, Louis Magnin ne s’occupait pas directement des Algériens mais il avait à cœur de faire connaître leurs conditions de vie, notamment dans la communauté chrétienne dont il avait la charge.
En 1955, Il est nommé à Saint-Fons comme formateur des prêtres du Noviciat du Prado. Il continue à sensibiliser son entourage à la cause algérienne en y faisant venir Albert Carteron. En 1958, à la demande de ce dernier, il prête un local à des membres du FLN qui créent un service social destiné à secourir les familles des détenus (600 à Saint-Paul). Ce local à l’extérieur de Lyon devait permettre d’échapper aux nombreux contrôles de police. Mais le 17 octobre 1958, en prévision de la visite du Général De Gaulle, de nombreuses rafles sont effectuées et de nombreux Algériens arrêtés dont les responsables du service social. Après un long interrogatoire, ils mènent les policiers au local mais Louis Magnin et le père Chaize, prévenus par Carteron, ont eu le temps de cacher l’argent et les dossiers. Ils sont convoqués le lendemain au siège de la police judiciaire et subissent un interrogatoire de 5 heures avant d’être confrontés aux douze Algériens arrêtés sur lesquels ils voient les violences physiques des interrogatoires.
Louis Magnin et le Père Chaize, sont libérés une première fois suite à un appel téléphonique du préfet Massenet. De nouveau arrêté le lendemain malgré l’intervention de l’évêché, Louis Magnin doit signer des déclarations dans le bureau du commissaire de la brigade anti-terroriste. Emmené au palais de Justice avec les Algériens, inculpé pour « atteinte à l’intégrité du territoire national », il est libéré provisoirement tandis que ses compagnons algériens restent  emprisonnés durant 9 mois. Par la suite, les Algériens arrêtés portent plainte pour les brutalités subies.
Pour Louis Magnin, cette « affaire du Prado » a contribué aux débats de l’époque sur la question algérienne et sur le positionnement de chacun, au sein de l’Eglise, et plus largement dans la société et parmi les institutions françaises. Elle a entre autres opposé le cardinal Gerlier, qui a soutenu les prêtres, au ministre de l’Intérieur Pelletier à propos de la torture.
Après la guerre, Louis Magnin a gardé contact avec Albert Carteron parti en Algérie et tous deux se sont éloignés des institutions. Ils désiraient faire avancer l’humanité qu’elle soit chrétienne ou non et voulaient vivre leur foi dans la vie quotidienne. Ainsi, en 1971, Louis Magnin est devenu prêtre-ouvrier et ce jusqu’en 1994, date à laquelle il a pris sa retraite. Il a fini sa carrière dans la région parisienne où il a longtemps milité à la CGT.

Archives
Les archives présentées documentent L’affaire du Prado qui a valu à Louis Magnin d’être arrêté, et à Albert Carteron d’être mis en cause. Leur qualité de prêtre questionne la position de l’Eglise face à la cause de l’indépendance algérienne.Elle est en première page de la presse régionale avec les photos des prêtres.

Dossier de presse régionale

32914 DHL – (18 octobre 1958)
32914 DHL – (18 octobre 1958) 

Albert Carteron est conduit à s'expliquer publiquement sur son action d'abord dans une Lettre au cardinal Gerlier parue dans La Croix (octobre 1958) puis dans sa Lettre aux prêtres du diocèse (novembre 1958)

32914Lettres d’Albert Carteron

Dossier de presse nationale

Le cardinal Gerlier soutient les prêtres et dénonce les violences subies par les musulmans dans le commisariat de Lyon. Dès lors l’affaire prend une dimension nationale avec un échange de communiqués entre le prélat et le ministre de l’intérieur, relayé par la presse nationale. Elle met en lumière que les pratiques de torture se sont étendues à la métropole.
32914 Le Figaro  (22 octobre 1958)
32914 Le monde (26-27 octobre 1958)