Gardien de l'Usine avec les enfants- Archives Privées-M.Bernard

Marguerite Bernard travaille comme secrétaire dans l’administration de l’armée lorsque la guerre d’Algérie éclate. Son incompréhension face au conflit laisse place à une forte politisation construite par la lecture des journaux et les discussions avec les militant.es. Alors que son fiancé est appelé en Algérie, elle démissionne et devient monitrice familiale. Elle aide alors les familles des bidonvilles qu’elle apprend à connaître en partageant leur quotidien tout en restant discrète et sans jamais prendre position pour le MNA ou le FLN. Ce travail lui fait prendre conscience des violences de la guerre en métropole. En 1964, elle part vivre 3 ans avec son mari à Oran où ils continuent à côtoyer la population algérienne mais rencontrent également des Pieds-noirs restés en Algérie.

Marguerite Bernard expose un point de vue humaniste, nourri d'un idéal de fraternité et d'amitié entre les peuples, et vécu au fil d'un parcours entre la France et l'Algérie.

Marguerite Bernard et les élèves de Terminale commerciale, Lycée Carrel, Lyon

Biographie
Marguerite Bernard a une vingtaine d’années lorsque la guerre d’Algérie débute. Elle travaille alors dans un bureau militaire à Lyon. Elle ne comprend pas de prime abord le désir d’indépendance des Algérien.nes, mais commence à se documenter et change de point de vue sur la question.
Ainsi en 1957, lorsque son fiancé est appelé en Algérie pour « pacifier le territoire », tous deux savent bien qu’il part faire la guerre.
Marguerite démissionne car son travail dans l’armée est en opposition avec ses idées politiques et sociales. Elle devient monitrice familiale au sein du Service Social Familial Nord-Africain,  basé sur le modèle de ceux créés par Germaine Tillion en Algérie. Elle apporte une aide sociale aux familles algériennes de Lyon, fait du ménage, accompagne les femmes aux cours d’alphabétisation, écrit des lettres aux avocat.es comme Emma Gounot et Paul Bouchet. Elle entend les femmes qui racontent ce que subissent leurs maris lors des interrogatoires rue Vauban.  Elle va dans les bidonvilles, les foyers garnis, les hôtels meublés, les bidonvilles du Pont Pasteur ou celui des Buers, très bien organisé, qu’elle repère comme le centre politique du FLN de  la région. Elle prend conscience que la guerre est aussi présente en métropole et qu’elle peut être très violente, notamment entre  le FLN et MNA. Pour autant, elle n’accepte de faire remonter aucune information et reste parfaitement discrète sur ce qu’elle voit et comprend du mouvement national algérien.
En parallèle à son travail, Marguerite Bernard milite pour l’indépendance de l’Algérie qu’elle juge inéluctable. Elle participe à des réunions de la Chronique sociale organisées par des avocats, et elle essaye de sensibiliser son entourage à la torture pratiquée au commissariat de la rue Vauban, mais reste isolée parmi ses proches.
Lorsque son fiancé rentre, ils participent tous deux à l’alphabétisation des Algériens, et en 1964 partent vivre en Algérie. Son mari est alors ingénieur dans une usine française d’engrais à Oran.  Marguerite poursuit sous d’autres formes ses engagements humanistes auprès des populations locales.
Alors que la plupart des Pieds-rouges  habitent en front de mer, les Bernard habitent au cœur d’un quartier populaire. Ils sympathisent aussi bien avec des familles algériennes que Pieds-noirs qui y vivent en bonne intelligence. Ils reviennent en France en 1967.
Aujourd’hui, Marguerite Bernard habite à Lyon. Ses convictions humanistes et son sens de la fraternité sont toujours aussi vifs. C’est aussi une féministe qui se dit déçue par le statut des femmes en Algérie.
Archives
Les archives photographiques de Marguerite et Franck Bernard, prises entre 1964 et 1967, témoignent de leur vie à Oran : les femmes pieds noires et algériennes qui prenaient souvent le thé avec Marguerite, les gardiens de l’usine d’engrais, la célébration de l’indépendance par les ouvriers qui, pour l’occasion, avaient décoré le camion de l’usine.

Photos de Tournage