Marguerite Bernard a une vingtaine d’années lorsque la guerre d’Algérie débute. Elle travaille alors dans un bureau militaire à Lyon. Elle ne comprend pas de prime abord le désir d’indépendance des Algérien.nes, mais commence à se documenter et change de point de vue sur la question.
Ainsi en 1957, lorsque son fiancé est appelé en Algérie pour « pacifier le territoire », tous deux savent bien qu’il part faire la guerre.
Marguerite démissionne car son travail dans l’armée est en opposition avec ses idées politiques et sociales. Elle devient monitrice familiale au sein du Service Social Familial Nord-Africain, basé sur le modèle de ceux créés par Germaine Tillion en Algérie. Elle apporte une aide sociale aux familles algériennes de Lyon, fait du ménage, accompagne les femmes aux cours d’alphabétisation, écrit des lettres aux avocat.es comme Emma Gounot et Paul Bouchet. Elle entend les femmes qui racontent ce que subissent leurs maris lors des interrogatoires rue Vauban. Elle va dans les bidonvilles, les foyers garnis, les hôtels meublés, les bidonvilles du Pont Pasteur ou celui des Buers, très bien organisé, qu’elle repère comme le centre politique du FLN de la région. Elle prend conscience que la guerre est aussi présente en métropole et qu’elle peut être très violente, notamment entre le
FLN et
MNA. Pour autant, elle n’accepte de faire remonter aucune information et reste parfaitement discrète sur ce qu’elle voit et comprend du mouvement national algérien.
En parallèle à son travail, Marguerite Bernard milite pour l’indépendance de l’Algérie qu’elle juge inéluctable. Elle participe à des réunions de la
Chronique sociale organisées par des avocats, et elle essaye de sensibiliser son entourage à la torture pratiquée au commissariat de la rue Vauban, mais reste isolée parmi ses proches.
Lorsque son fiancé rentre, ils participent tous deux à l’alphabétisation des Algériens, et en 1964 partent vivre en Algérie. Son mari est alors ingénieur dans une usine française d’engrais à Oran. Marguerite poursuit sous d’autres formes ses engagements humanistes auprès des populations locales.
Alors que la plupart des
Pieds-rouges habitent en front de mer, les Bernard habitent au cœur d’un quartier populaire. Ils sympathisent aussi bien avec des familles algériennes que
Pieds-noirs qui y vivent en bonne intelligence. Ils reviennent en France en 1967.
Aujourd’hui, Marguerite Bernard habite à Lyon. Ses convictions humanistes et son sens de la fraternité sont toujours aussi vifs. C’est aussi une féministe qui se dit déçue par le statut des femmes en Algérie.