Saïd Merabti Poix de Picardie 1964- archives privées

Saïd Merabti, né pendant la guerre d’indépendance, fils de harki exilé en 1962, a grandi dans les quartiers Nord de Marseille. L’engagement a été l’une des constantes de sa vie de citoyen. Outre des mandats syndicaux et politiques, il a assumé successivement, et sans contradiction, la défense de la culture berbère, les combats antiracistes et les revendications de reconnaissances des familles harkies.

Saïd Merabti explique le parcours de sa famille ainsi que le sien fait de divers engagements de citoyenneté.

Rencontre avec Saïd Merabti, fils d'un ancien harki, préparée et filmée par des élèves du Lycée professionnel Les canuts, à Vaulx-en-Velin.

Biographie
Saïd Merabti nait en 1955, dans une famille paysanne à Cheurfa, village de Grande Kabylie situé à une cinquantaine de kilomètres de Tizi Ouzou. Siège d’une zaouïa (établissement religieux et scolaire), la localité bénéficie d’un fort rayonnement. C’est pourquoi elle devient l’enjeu d’une lutte d’influence entre l’armée française et l’ALN. La famille des Abdellatif, notables locaux qui administrent la zaouïa, refuse de céder aux exigences des indépendantistes et rallie la France, entrainant avec eux sa parentèle, dont les hommes revêtent l’uniforme français et participent aux fouilles des villages de la région lors des opérations militaires. Cousin des Abdellatif, le père de Saïd, engagé en 1956, devient caporal-chef.
Quand survient le cessez-le-feu, Mohammed Abdellatif, élu sénateur, obtient la protection et le rapatriement des siens, menacés de représailles par les partisans du FLN. C’est ainsi que la famille Merabti, embarquée dans un camion de l’armée française passe par Tizi Ouzou, Alger, Marseille et Bourg-Lastic, dans le Puy-de-Dôme où un camp provisoire constitué de tentes accueille plus de 4 000 harkis. Mohammed Abdellatif rassemble ensuite sa parentèle autour de lui, à Poix-de-Picardie, près d’Amiens, où il a acheté un château. C’est dans ce bourg que Saïd commence sa scolarisation. L’apprentissage du français fera de lui, en tant qu’aîné, l’intermédiaire entre sa famille et les diverses administrations françaises. Las des hivers rudes et des logements exigus, le père de Saïd et quelques uns de ses amis se renseignent sur une possibilité de déménager vers le sud.
En 1965, plusieurs familles quittent la Somme pour s’installer dans une cité récente des quartiers Nord de Marseille : Bassens. Saïd y poursuit son enfance, cotoyant des enfants d’immigrés algériens avec la recommandation maternelle de ne jamais mentionner le passé harki du père. Quelques années plus tard, c’est dans un quartier de classes moyennes, où les rapatriés sont nombreux, que la famille – qui accède lentement à la société de consommation,  emménage.
Orienté vers l’enseignement professionnel, Saïd obtient deux CAP. Il enchaîne les expériences professionnelles, avant de travailler dans une entreprise aéronautique où il devient syndicaliste et représentant du personnel.
Dans le même temps, au début des années 1980, il découvre la radio associative Radio Gazelle. Réinvestissant la culture kabyle il y anime des émissions musicales dans sa langue maternelle et fait venir des artistes. Confronté à l’hostilité explicite de certains Français, il se consacre également aux combats antiracistes et pour la reconnaissance de la place des immigrés et de leurs enfants dans la société française des années quatre-vingts : Marche pour l’égalité et contre le racisme 1983 – dont l’un des leaders, Toumi Djaïdja, est fils de harki -, adhésion à France Plus.
Installé à Vitrolles, il est élu en 1989 sur une liste de gauche et occupe le poste d’adjoint à la communication pendant une mandature .
Quant au passé harki de son père, Saïd Merabti choisit de l’assumer dès 1983. En 1985, à l’occasion d’une première tentative de retour sur sa terre natale, ce dernier est refoulé vers la France.  Trois ans plus tard, il obtient l’autorisation de se rendre dans son village.  En 1992, il y est inhumé.
Le décès paternel correspond à un tournant dans les préoccupations militantes de Saïd. A force de conversations et de lectures, il reconstitue le passé familial. Abandonnant ses autres mandats, il consacre son énergie militante aux harkis. Il participe à la création du Centre de recherche, d’étude et de documentation sur les harkis et les Français musulmans. Il accompagne les commémorations et manifestations porteuses des revendications de reconnaissance et d’indemnisation qui aboutissent progressivement à partir de 1997.