François Brunet et les élèves de terminale Carrières sanitaires et sociales, lycée Carrel, Lyon

François Brunet, né en 1931 à Arras, est incorporé de juillet 1958 à juillet 1959 dans le Service de Santé des Armées du secteur de Souk Ahras. Il est confronté à la réalité de la torture du fait de la proximité de l’infirmerie avec un DOP (Détachement opérationnel de protection). Il participe à la constitution d'une association pour la paix et les droits de l'Homme en Algérie. Menacé de mort par l’OAS, il regagne la France en 1961 puis revient en Algérie l'année suivante, en tant qu'enseignant en coopération. Il est contraint de quitter définitivement le pays en juin 1971, en raison de ses actions syndicales.

François Brunet témoigne de son action comme infirmier militaire et dénonce encore aujourd'hui le dévoiement de l'armée française en Algérie.

Rencontre avec François Brunet
préparée et filmée par les élèves de terminale Carrières sanitaires et sociales, lycée Carrel, Lyon

Biographie
Né le 21 août 1931 à Arras, dans le Pas-de-Calais, François Brunet, incorporé dans le Service de Santé des Armées, participe aux « opérations de maintien de l’ordre en Algérie » de juillet 1958 à juillet 1959, dans le secteur de Souk Ahras.
Il estime avoir bénéficié de conditions privilégiées par rapport à la plupart des jeunes du contingent qui débarquaient là-bas sans rien savoir des réalités algériennes. En effet, étudiant en sciences naturelles et militant à l’UNEF, il avait entendu parler de la guerre d’Algérie lors des réunions syndicales et avait lu des témoignages de « rappelés » qui avaient eu le courage de parler. C’est ainsi qu’il avait eu connaissance de certaines pratiques commises par les combattants, notamment des actes de torture, tant sur ceux du camp opposé que sur les civils.
Affecté à l’infirmerie d’un groupe de transport au petit village de Gambetta, au sud de Souk Ahras, il fait le constat de ce qu’est la réalité du conflit, du quotidien de la population, et découvre les conditions de vie des familles ainsi que les gourbis leur servant d’habitations.
Dans le cadre des soins infirmiers, il entretient des contacts directs avec les civils en allant les soigner chez eux.
A Souk-Ahras, il fait connaissance de Pieds Noirs engagés auprès de la population et participe, en civil, à des distributions de denrées du Secours Catholique aux habitants des gourbis.
Il écrit régulièrement à son père pour lui raconter ce qu’il vit et voit afin que celui-ci puisse faire passer ces informations au sommet de l’État. Son père en effet, est l’adjoint du maire d’Arras, Guy Mollet, alors président du conseil.
L’infirmerie militaire dont il fait partie, tout comme l’infirmerie civile dont elle a la charge, est proche d’un DOP (Détachement opérationnel de protection), où l’usage systématique de la torture est de mise. Même s’il n’assiste pas lui-même à des séances de torture, celles-ci lui sont systématiquement décrites sur les lieux même des sévices dans le but non-dissimulé de le casser psychologiquement. La plupart des Algériens qui entraient au DOP étaient tués, puis leurs corps jetés dans une ancienne carrière. François Brunet relève l’emplacement exact du charnier afin de garder trace de ces exactions et pouvoir éventuellement en témoigner.
Marqué par l’obstination et la dangerosité du pouvoir militaire, François Brunet a un discours pacifiste et antimilitariste dénonçant l’horreur d’une guerre menée par un contingent de jeunes hommes inexpérimentés contre une population qu’ils ne connaissaient pas et pour une cause qui échappait à la plupart d’entre eux.
La découverte du peuple algérien ainsi que des amis Pieds Noirs l’amènent à vouloir enseigner en Algérie pendant la guerre. Il retourne donc en France achever ses études puis demande un poste outre-Méditerranée, sa démarche étant appuyée par Guy Mollet.
C’est en tant que professeur de sciences naturelles affecté au lycée de jeunes filles de Bône qu’il retourne en Algérie en janvier 1960. En réaction aux événements d’Alger (manifestations populaires pour l’indépendance durement réprimées en décembre 1960), il participe, avec des Pieds Noirs et des fonctionnaires métropolitains soutenus par la section de la SFIO, à la constitution d’une association pour la paix et les droits de l’Homme en Algérie.
Lors d’une distribution de nourriture, il découvre, avec une collègue enseignante qui deviendra sa femme, la réalité des camps de regroupement.
Menacé de mort par l’OAS, il est contraint de rentrer en métropole pour les vacances de Noël 1961 et obtient à la rentrée de janvier 1962, une mutation au lycée de Maubeuge. En novembre 1962, il repart enseigner en coopération, au lycée algérien de garçons à Annaba (ex-Bône). Coopérant jusqu’en juin 1971, il termine à l’École normale de jeunes filles de Constantine, avant d’être remis à la disposition de la France par le ministre algérien de l’Éducation nationale; pour cause d’actions syndicales et ce, malgré l’intervention du responsable régional du FLN pour le Constantinois.