Les Françaises sont, comme les Français, nombreuses à s’engager dans des réseaux de soutien au FLN. Elles sont, au début de la guerre, moins soupçonnées que les hommes, Français et Algériens, mais aussi que les Algériennes. Elles bénéficient alors d’une plus grande liberté de mouvement qui leur permet de convoyer des fonds et des documents, mais aussi de transporter des militant.es ou de leur faire passer les frontières.
Plusieurs affaires révèlent l’engagement important des femmes comme porteuses de valises et en février 1960, le journal
Paris-Presse dénombre « 60 femmes sur 80 complices du FLN » depuis le début de la guerre d’indépendance. Ces femmes sont alors présentées comme les maîtresses ou concubines des militants frontistes qu’elles ont aidés, ou assimilées à des prostituées. C’est le cas d’Anne Beaumanoir, arrêtée à Marseille en 1959, dont la presse explique qu’elle a été séduite par les yeux noirs des Algériens. A Lyon, Suzanne Gerbe s’entend dire, en prison, que les Algériens sont de beaux gars. Le sentimentalisme est alors utilisé pour expliquer un engagement qui semble alors incompréhensible et hors-norme.
Les arrestations qui touchent les réseaux Jeanson, puis Boeglin, viennent contredire ce topoï : France-Soir écrit alors que « sauf quelques exceptions, les jeunes femmes qui viennent d’être arrêtées n’étaient pas les maîtresses de terroristes. […] C’étaient des intellectuelles, professeurs, écrivains, artistes, agissant par conviction plus que par amour ». Et, lors des procès, les accusées revendiquent comme les hommes, le caractère politique et anticolonialiste de leur engagement, comme Claudie Duhamel qui déclare se sentir plus proche d’un révolutionnaire algérien que d’un Français membre de l’OAS.
Si les procès de l’année 1960 mettent en lumière l’engagement de Françaises au sein de réseaux de soutien, le fait n’est pas nouveau. Elles sont en effet nombreuses à s’engager dans les premiers réseaux de la région lyonnaise, ou à agir directement en lien avec les frontistes, comme c’est le cas pour les épouses françaises de militants frontistes. A la différence des membres du réseau Boeglin, ces femmes ont tendance à minorer leurs actions. Les actions qu’elles entreprennent en faveur de l’indépendance sont souvent présentées comme « naturelles » ou allant de soi, notamment parce que certains de ces actes s’inscrivent dans la continuité de leurs tâches domestiques, quotidiennes. Héberger ou nourrir un nationaliste algérien constitue pourtant, au même titre que le transport de fonds ou de documents, une « Atteinte à l’intégrité du territoire national » et passible de plusieurs années de prison. Cependant, ces actions sont présentées en marge de celles accomplies par leurs maris ou compagnons, qu’elles décrivent avec force détails, alors qu’elles présentent leur propre engagement comme un fait anodin.
FLN
Récits en écoute :
Georgette Saït –
Marie-Thérèse Polette –
Nicole Cadieu –
Claudie Duhamel
FLN
Bibliographie:
Anne BEAUMANOIR, Le feu de la mémoire – La Résistance, le communisme et l’Algérie,1940/ 1965, Paris, Bouchène, 2009.